Rap Game : La quête de la notoriété par le bas

Entre clashs puériles sur fond de stratégies marketing à peine dissimulées et nombre de cas sociaux qui s'essayent à l'art de manier la langue, le rap souffre au nom d'une course à la notoriété où les derniers arrivent bien souvent les premiers.
Jhon Rachid n'est pas le seul à avoir mal à son rap. Depuis quelques temps, une pernicieuse tendance à la médiocrité lyricale s'ancre dans les fondements du rap français. Cette tendance alimentée par un désir de s’accaparer l'attention des médias et de couvrir l'actualité par n'importe quels moyens pousse les professionnels de la musique comme les amateurs à s'embourber dans la glaise du démérite. La qualité n'est plus gage de succès dans le milieu impitoyable du Rap Game, les punchlines métaphoriques ont laissé la place à des insultes vulgaires, la technique s'est muée en gloubi-boulga comestible par le plus grand nombre et les instrumentales ont perdu de leur essence urbaine au profit de BOUM-BOUM assourdissants et de détonations meurtrières pour rappeler que le rap c'est vraiment un univers de gangster. Mais non, à force de vouloir dénoncer l’entêtement des médias à dépeindre ces clichés, la majorité des rappeurs sont devenus la caricature de ce portrait qu'ils essayaient pourtant de nier. Ceci n'est pas le pamphlet du rap, ceci est un appel à un retour d'un rap recherché pour lui-même et non pas pour la notoriété qu'il engendre.

Donner de la visibilité aux apprentis rappeurs, c'est bien. N'en retenir que ceux qui deviennent la risée du web, c'est drôle certes, mais peu glorifiant. La dernière en date, c'est Delphine et son rap vulgaire qui a fait le buzz sur la toile. Dans la voie ouverte par l’indétrônable Amandine du 38 qui a fait les beaux jours des internautes grâce à son style unique puisque inexistant, nombre de talents déchus se sont engouffrés dans la brèche de la médiocrité. Mich'l du 56 et son rap des sous-bois avait également défrayé la chronique en s'attirant un torrent de moqueries mais jouissant tout de même d'une certaine visibilité sur le web. Alors que se passe t-il vraiment dans la tête de ces sketchs aberrants qui partagent entre un sentiment de pitié et une furieuse envie de rire tant on se dit que ce n'est pas possible de penser que le bonhomme s'est réellement trouvé bon en se repassant la vidéo. La question du ridicule ne se pose même plus, ce qui compte c'est qu'on en parle, peu importe que ce soit en bien ou en mal, une grande partie des gens ne vivent que dans le regard des autres et ce symptôme ne va pas en s'arrangeant.
Si ces exemples peuvent être placés sur le compte d'un terrible manque de recul de la part de personnes fragiles et ne maîtrisant pas les codes d'une communication sans frontières comme le web, qu'en est-il des professionnels de la musique qui connaissent bien la machine ? Booba est un businessman hors-pair, il a su s'imposer par le système loyal et égalitaire de la reconnaissance par le talent. Désormais en haut de la pyramide, le plus dur pour lui c'est évidemment d'y rester. Et sa notoriété il ne la bâtit plus à coups de vers travaillés mais il la fonde sur des rouages marketing bien huilés. Les clashs ne sont que la face émergée de l'iceberg. Selon les dernières nouvelles, Kaaris et Booba poseraient les bases d'un nouveau clash assassin, ça tombe bien les deux rappeurs bossent chacun sur un nouvel album. Même schéma que pour le clash survenu entre La Fouine et Booba en 2013, une collaboration sur un titre puis sans raisons apparente le conflit éclate. Résultat ? Une omniprésence sur tous les médias, les fans impliqués et les ventes de skeuds qui s'envolent. Rappelez-vous, l'important c'est qu'on en parle.
